Lithium naturel ou médical ? Effets, mécanismes et précautions à connaître
Le lithium est un métal aux mécanismes d'action complexes et aux applications thérapeutiques variées.
Il est particulièrement pertinent dans la recherche sur la maladie d'Alzheimer (MA) et la déficience cognitive légère (MCI), tout en étant un stabilisateur d'humeur essentiel dans les troubles psychiatriques.
Lithium et maladie d'Alzheimer
Les niveaux de lithium sont significativement réduits dans le cortex préfrontal chez les individus atteints de MCI et de MA.
Cette réduction est aggravée par la séquestration du lithium dans les plaques d'amyloïde-β (Aβ), où sa concentration augmente avec la progression de la maladie, réduisant sa disponibilité dans les régions cérébrales non-plaque.
Des niveaux plus faibles de lithium dans ces zones sont corrélés à des performances réduites en mémoire épisodique, sémantique et à un indice global de fonction cognitive.
À l'inverse, chez les individus sans MCI ni MA, les niveaux de lithium cortical sont positivement associés aux scores de mémoire de travail.
Parmi les altérations métalliques observées dans la MA, la diminution du lithium cortical est la seule statistiquement significative à la fois dans le MCI et la MA.
Une corrélation inverse entre les niveaux de lithium dans l'eau potable et l'incidence de la démence suggère un effet protecteur potentiel du lithium à faibles doses environnementales.
L'homéostasie du lithium pourrait également contribuer à la résilience cognitive liée au vieillissement.
Formes thérapeutiques: Li₂CO₃ vs LiOr
Le carbonate de lithium (Li₂CO₃), forme clinique standard, présente une forte affinité pour l'Aβ, ce qui pourrait limiter sa biodisponibilité cérébrale.
Toutefois, des doses de 150–300 mg/jour ont montré une réduction du déclin cognitif dans la MA et le MCI.
Il possède une fenêtre thérapeutique étroite, avec des doses généralement comprises entre 400 et 1200 mg/jour, visant une concentration sérique de 0,4 à 0,8 mmol/L.
Il se dissocie facilement en solution et nécessite des doses importantes pour traverser la barrière hémato-encéphalique (BHE).
L'orotate de lithium (LiOr) est proposé comme une alternative avec un profil de toxicité moindre.
Il traverse plus facilement la BHE et entraîne des concentrations cérébrales trois fois plus élevées que des doses équivalentes de Li₂CO₃.
Il ne se dissocie pas au pH physiologique, existe sous forme neutre, et pourrait utiliser des transporteurs spécifiques comme URAT1.
L'acide orotique, précurseur des pyrimidines, pourrait conférer des effets antioxydants et métaboliques supplémentaires.
Le LiOr est disponible sans ordonnance (généralement 5 mg de lithium élémentaire par capsule), mais aucun essai clinique n'a été mené pour le trouble bipolaire.
Autres bénéfices thérapeutiques
Le lithium est le seul traitement reconnu pour prévenir à la fois les épisodes dépressifs et maniaques.
Il réduit significativement le risque de suicide et de tentatives, en diminuant l'impulsivité et l'agressivité.
Il stimule le BDNF, augmente le volume de matière grise dans le cortex préfrontal, le cortex cingulaire antérieur et l'hippocampe, chez les sujets sains et les patients bipolaires.
À des concentrations sériques ≤ 0,5 mM, le lithium réduit le risque d'infarctus du myocarde.
Il est associé à une baisse de la mortalité cardiovasculaire et agit comme mimétique de l'insuline, améliorant l'homéostasie du glucose (efficace dès 300 µg/jour).
Il agit aussi contre les virus à ADN, notamment les herpèsvirus, et augmente la production de leucocytes.
Il resynchronise les rythmes circadiens via les gènes horloges et stimule l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA).
Mécanismes d'action
Le lithium module plusieurs neurotransmetteurs: glutamate, dopamine, GABA, acétylcholine et glycine.
Il inhibe les courants postsynaptiques excitateurs et prévient la libération excessive de dopamine.
Il augmente les défenses antioxydantes, réduit l'expression des protéines de stress et des molécules pro-inflammatoires, améliore le dysfonctionnement mitochondrial, et module la GSK3β, la protéine p53 et le Bcl-2.
L'inhibition de la GSK-3β est centrale à ses effets neuroprotecteurs, immunomodulateurs et antiviraux.
Il agit aussi sur le cycle des phosphoinositides, la protéine kinase C et le calcium intracellulaire.
Effets secondaires et surveillance
Malgré ses bienfaits, le lithium nécessite une surveillance rigoureuse en raison de sa fenêtre thérapeutique étroite.
Les signes d'intoxication (niveaux > 1,2 mmol/L) incluent des symptômes neurologiques (confusion, tremblements, ataxie, myoclonies, polyneuropathie), gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée), rénaux (polyurie, polydipsie, diabète insipide néphrogénique) et cardiovasculaires (arythmie, hypotension, choc, surtout à des niveaux > 1,5 mEq/L).
Même à des niveaux thérapeutiques, le lithium peut entraîner une réduction de la capacité urinaire, une hypothyroïdie (prévalence de 8 à 19 %, plus fréquente chez les femmes), une hyperparathyroïdie (prévalence estimée à 7,5 % supérieure à la population générale), un gain de poids et une prolongation de l'intervalle QTc.
Il peut inhiber le transport actif de l'iode, l'organification de l'iode, et la signalisation de la TSH, perturbant l'homéostasie thyroïdienne.
L'hypercalcémie associée au lithium (HAL) est liée à une interaction avec le récepteur de détection du calcium (CaSR), pouvant entraîner une sécrétion accrue de PTH et le développement d'adénomes ou d'hyperplasies des glandes parathyroïdes.
Un suivi régulier est recommandé, incluant des tests de la fonction rénale et thyroïdienne, la surveillance du calcium total, de la PTH, de la vitamine D, du poids, du tour de taille, de l'IMC, et parfois des électrocardiogrammes.
Sources naturelles et environnementales
Le lithium se trouve naturellement dans l'environnement.
Les eaux minérales naturelles peuvent constituer une source très biodisponible de lithium, avec des concentrations pouvant atteindre 2,7 mg/litre en Europe.
Un apport de 14,3 µg/kg de lithium par jour a été proposé soit 1.4mg par jour pour un individu de 100kg.
Les eaux gazeuses et carbonatées de montagne contenant du lithium sous forme ionique hydratée représentent la source la plus sûre et physiologique pour un apport régulier, sans effets secondaires médicamenteux.
En ce sens je recommande personnellement l'eau minérale Rozana issue des volcans d'Auvergne qui est par ailleurs une excellente source de silicium.
Sources pour aller plus loin:
- Lithium deficiency and the onset of Alzheimer's disease
- Beyond its Psychiatric Use: The Benefits of Low-dose Lithium Supplementation
- An Oldie but Goodie: Lithium in the Treatment of Bipolar Disorder through Neuroprotective and Neurotrophic Mechanisms
- Lithium‐induced electrocardiographic changes: A complete review
- Antiviral, immunomodulatory, and neuroprotective effect of lithium
- Lithium and endocrine disruption: A concern for human health?
- Lithium orotate: A superior option for lithium therapy?
- Lithium and nephrotoxicity: a literature review of approaches to clinical management and risk stratification
- Human brain 7Li-MRI following low-dose lithium dietary supplementation in healthy participants
- Lithium in Portuguese Bottled Natural Mineral Waters—Potential for Health Benefits?
- Evaluation of potential human health risks associated with Li and their relationship with Na, K, Mg, and Ca in Romania's nationwide drinking water
- Lithium-Associated Hypercalcemia: Pathophysiology, Prevalence, Management