Lactose et lactase: itinéraire d'une adaptation humaine

Le rôle central du lactose dans le lait maternel humain

Le lactose constitue le principal glucide du lait maternel, avec une concentration moyenne d'environ 7g pour 100mL, nettement supérieure à celle du lait de vache (4,7g/100mL).

Au-delà de son rôle nutritif fondamental dans la croissance du nourrisson, le lactose joue une fonction clé dans le développement immunitaire et l'équilibre intestinal.

Il stimule notamment l'expression du gène CAMP, responsable de la synthèse de la cathélicidine LL-37, un peptide antimicrobien (AMP).

Ces AMPs sont essentiels à l'homéostasie intestinale: ils éliminent les agents pathogènes et modulent la composition du microbiote.

Par ailleurs, le lactose non digéré agit comme un agent bifidogène, favorisant la prolifération des bifidobactéries bénéfiques.

Ce mécanisme contribue à l'établissement d'un microbiote sain et améliore, en parallèle, l'absorption intestinale du calcium.

Lactose et tolérance lactase: une question d'évolution et de génétique

Environ un tiers de la population mondiale conserve une activité élevée de l'enzyme lactase à l'âge adulte, un phénomène appelé persistance de la lactase (LP).

Les deux tiers restants subissent naturellement une diminution de cette activité après le sevrage, ce qui mène à une non-persistance de la lactase (LNP), communément associée à l'intolérance au lactose.

Le rôle de la lactase et son contrôle génétique

La digestion du lactose, principal sucre du lait, dépend de la lactase-phlorizine hydrolase (LPH), principalement exprimée dans l'intestin grêle.

Cette enzyme, codée par le gène LCT, voit son expression diminuer après l'allaitement chez la majorité des mammifères.

Cette régulation dépend d'une région de l'ADN appelée MCM6, qui agit comme un régulateur à distance du gène LCT.

Chez les individus LNP, le déclin d'activité lactase résulte d'un programme génétique impliquant des facteurs de transcription répressifs (notamment Pdx-1) dès l'âge de 5 ans.

Certaines variations dans les gènes FUT2 et FUT3 peuvent aussi altérer la structure finale de la lactase, influençant son efficacité digestive.

En revanche, certaines mutations génétiques (SNPs) dans la région MCM6, telles que rs4988235 (Europe), rs145946881 (Afrique de l'Est), ou rs41380347 (Moyen-Orient), empêchent la baisse naturelle de l'expression du gène LCT.

À ce jour, 23 SNPs ont été associés à la persistance de la lactase dans différentes populations.

Une adaptation évolutive remarquable

La capacité à digérer le lait à l'âge adulte reflète une adaptation influencée par la domestication animale et la consommation de lait.

Le lait offrait un avantage évolutif : source de nutriments essentiels (glucides, protéines, lipides, calcium) et d'hydratation, notamment dans des régions arides.

Les premières consommations de lait animal remontent à près de 9 000 ans, au Néolithique.

Comment diagnostiquer l'intolérance au lactose ?

Bien que la biopsie intestinale reste la méthode la plus fiable pour mesurer l'activité lactase, sa nature invasive pousse à privilégier deux tests non invasifs :

1. Test glycémique : après ingestion de 50 g de lactose à jeun, une élévation de la glycémie ≥ 20 mg/dL suggère une persistance lactase. Une élévation plus faible indique une LNP.
2. Test à l'hydrogène expiré : après consommation de 25 g de lactose, une élévation d'au moins 20 ppm d'hydrogène dans l'air expiré indique une LNP.

Simple et accessible, le test glycémique peut se faire à domicile avec un glucomètre, contrairement au test à l'hydrogène expiré, plus fiable mais nécessitant une prise en charge médicale.

Que se passe-t-il lorsque le lactose n'est pas digéré ?

Chez les personnes présentant une non-persistance de la lactase (LNP), le lactose ingéré n'est pas absorbé dans l'intestin grêle.

Il atteint alors le côlon, où il est fermenté par le microbiote intestinal.

Ce processus entraîne la production de gaz ainsi qu'un appel d'eau, provoquant divers symptômes inconfortables.

Symptômes digestifs les plus fréquents :

• Douleurs et ballonnements abdominaux
• Flatulences, borborygmes
• Diarrhée
• Nausées, parfois vomissements

La fermentation intestinale peut aussi impacter le système nerveux par le nerf vague, ce qui expliquerait certains symptômes "à distance":

• Fatigue inexpliquée
• Difficulté de concentration
• Maux de tête
• Douleurs musculaires ou articulaires
• Aphtes buccaux

Probiotiques et alternatives

Certains probiotiques comme Bifidobacterium lactis, Lactobacillus acidophilus ou Streptococcus thermophilus produisent de la β-galactosidase, aidant à digérer le lactose dans le côlon et à réduire les symptômes.

Néanmoins, leur présence ne justifie pas la consommation régulière de lait chez les personnes LNP.

En revanche, des produits fermentés tels que les yaourts, fromages affinés ou kéfir sont souvent mieux tolérés grâce à leur teneur réduite en lactose.

Il existe aussi des produits enrichis en lactase.

⚠️ Avant de consommer un complément alimentaire, il est préférable de demander conseil à votre médecin, surtout en cas d'interaction médicamenteuse ou de problème de santé existant. 💊

En cas de première commande (captures d'écran):

Sources pour aller plus loin:

• Genetics of Lactose Intolerance: An Updated Review and Online Interactive World Maps of Phenotype and Genotype Frequencies
• A worldwide correlation of lactase persistence phenotype and genotypes
• Lactose intolerance
• Lactose Maldigestion, Malabsorption, and Intolerance: A Comprehensive Review with a Focus on Current Management and Future Perspectives
• Convergent adaptation of human lactase persistence in Africa and Europe
• Lactose in Human Breast Milk an Inducer of Innate Immunity with Implications for a Role in Intestinal Homeostasis
• Intolérance au lactose